La question de l’« écoblanchiment » a été largement discutée. Ce terme traduit l’idée que certaines entreprises, marques et institutions gouvernementales formulent de grandes déclarations sur leur contribution dans la lutte contre le changement climatique, sachant que cette dernière  demeure difficile à prouver. Exagérer les avantages climatiques d’un produit, d’un service ou d’une politique induit les clients et le grand public en erreur et   décrédibilise d’autres initiatives  qui pourraient, elles, avoir un impact véritable sur la planète et sa population.

Quelle est l’utilité des données ?

Chez InfraCo Africa et  PIDG, nous savons que nos investissements et nos décisions de développement d’infrastructures en Afrique subsaharienne ont des incidences sur les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Nous sommes fiersde notre longue expérience d’investissement dans les énergies renouvelables, l’agriculture durable et les transports propres ; toutefois, nous savons que même les projets d’infrastructure les plus respectueux de l’environnement génèrent encore et toujours des émissions, pour les réduire au minimum, nous devons d’abord déterminer leur provenance.

Je collecte les données sur les émissions de gaz à effet de serre et les performances opérationnelles de chacun de nos projets. Cette collecte annuelle de données et l’établissement de rapports selon un processus ouvert et transparent sont des aspects cruciaux des efforts déployés par PIDG pour démontrer une transition juste vers la neutralité carbone à l’échelle mondiale.

Alors, que mesurons-nous ?

En tant que société du groupe PIDG, InfraCo Africa s’appuie sur les directives énoncées par le Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD, ou Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat) pour reporter le volume des  émissions de gaz à effet de serre générées par ses projets (mesuré en tonnes équivalent CO2, ou CO2e).[i]  PIDG compte parmi les toutes premières entreprises financées par une APD à divulguer ses émissions attribuées et à publier un rapport selon les normes du TCFD.  Le TCFD vise à aider les investisseurs à mieux comprendre les risques et les possibilités d’un investissement donné en matière de climat. Grâce à ces informations, les investisseurs seront en mesure d’améliorer leurs processus de gestion des risques et de planification stratégique, d’éviter ainsi des chocs futurs et d’orienter leurs investissements vers des solutions plus résilientes au changement climatique.

L’un des principaux objectifs de la méthodologie du TCFD est d’instaurer une procédure cohérente pour l’établissement de rapports, de façon à pouvoir comparer les résultats de diverses entreprises. Conformément à ces critères, les catégories d’émission que nous intégrons à nos rapports sont les suivantes :

  • Pour le financement de projet : les émissions générées par l’ensemble du projet ;
  • Pour les prêts aux entreprises : les émissions générées par l’ensemble de l’entreprise dans laquelle nous avons investi :
  • Les émissions directes liées aux carburants utilisés (Scope 1) ;
  • Et les émissions indirectes liées à l’électricité importée (Scope 2).

Pour les projets en exploitation, nous utilisons les données de la dernière année civile et pour les projets en développement ou en construction, nous utilisons des prévisions selon les émissions générées au cours d’une année typique (ou première année) d’exploitation.

En recueillant chaque année ces catégories de données, nous suivons l’impact de nos efforts vers la réduction des émissions des projets de notre portefeuille existant. Ces données nous aident aussi à démontrer l’importance que nous accordons au climat dans nos processus de sélection des projets pour tout nouvel investissement. Nous nous assurons ainsi de joindre le geste à la parole en matière de lutte contre le changement climatique, sans freiner le développement.

Comment calculons-nous nos émissions ?

Afin de comptabiliser les émissions attribuées et évitées, PIDG s’appuie sur les critères énoncés dans le Global GHG Accounting and Reporting Standard for the Financial Industry, publié par le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) auquel PIDG est affilié. Pour calculer les émissions générées par nos projets– en construction ou déjà en exploitation –, nous utilisons les données de consommation de carburant (Scope 1) et d’électricité (Scope 2) publiées dans nos rapports HSE mensuels. Ces données sont ensuite converties en tonnes d’émissions équivalent CO2.

Au moment de réaliser ces conversions, il est important de noter que les coefficients d’émission des carburants peuvent varier légèrement selon les différentes spécifications appliquées aux carburants et les méthodes d’analyse employées. La majorité des sociétés du groupe PIDG, ayant leur siège au Royaume-Uni, utilisent pour ces calculs les coefficients de conversion publiés par le gouvernement britannique.[ii] Pour les émissions provenant de la génération, la transmission et la distribution d’électricité, nous utilisons le tableau harmonisé de coefficients d’émission établi par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), pour les rapports standardisés des institutions financières internationales (tel que préconisé par le Partnership for Carbon Accounting Financials).

Ces coefficients de conversion standardisés permettent de comparer les données sur nos émissions d’année en année, et de tirer des conclusions sur l’ensemble du portefeuille PIDG, indépendamment des régions dans lesquelles nous opérons.

Sommes-nous responsables de toutes les émissions générées par nos projets ?

Notre travail est fondé sur la collaboration, nous développons des projets en partenariat avec d’autres parties pour veiller à réunir les meilleures expertises et solutions de financement et garantir la réussite de nos projets. Cela signifie que la responsabilité des émissions CO2e est partagée. Conformément au guide Global GHG Standard, [iii]les émissions provenant de nos projets sont attribuées à InfraCo Africa (nos émissions financées) selon le ratio de notre investissement par rapport au total des dettes et des capitaux propres du projet ou de l’entreprise. Cette méthodologie garantit une attribution cohérente des émissions à chaque partie.

Qu’en est-il de l’intensité des émissions ?

Le Global GHG Standard exige que les institutions financières déclarent l’intensité de leurs émissions économiques.  L’intensité des émissions se définit par le montant total des émissions de gaz à effet de serre produites pour chaque unité d’investissement. Ce calcul est relativement facile au niveau d’un projet, puisqu’il s’agit simplement des émissions annuelles produites par un projet divisées par le coût d’investissement total (ou dettes plus capitaux propres). Cependant, lorsque le calcul porte sur l’ensemble d’un portefeuille, il convient de prendre en compte les divers montants et parts investis dans des projets générant des intensités émissions variables. Ainsi, pour ce calcul, nous additionnons les émissions totales de tous les projets d’InfraCo Africa et divisons le résultat par le montant total investi.

À quoi ressemble un « bon » projet ?

D’après mes constatations, les énergies solaire, éolienne et hydraulique au fil de l’eau sont idéales pour appuyer tant la réalisation des objectifs climatiques que les initiatives de développement. Un compromis est bien sûr indispensable quand nous travaillons à la mise en œuvre de projets à fort impact développemental dans des domaines tels que le logement, le transport ou l’utilisation de combustibles de cuisson plus propres. Bien que ces projets puissent générer un volume important d’émissions de gaz à effet de serre, mais ces dernières sont considérablement réduites par rapport aux alternatives actuellement disponibles et abordables. À l’échelle mondiale, la part des émissions générées par le continent africain est minime.[iv] Il existe donc un réel potentiel de développer ces projets en veillant à continuer sur la voie d’une transition juste vers la neutralité carbone à l’échelle mondiale.

Que pouvons-nous apprendre des données de 2021 ?

Les projets du portefeuille d’InfraCo Africa continuent d’être performants. Comme je l’ai évoqué plus tôt, les projets qui génèrent le plus d’émissions sont le logement et le transport. Dans ces secteurs, nous innovons en intégrant les normes de construction de bâtiments verts (IFC-EDGE) à nos projets de logements abordables et en établissant un réseau de stations de recharge solaire pour véhicules électriques. Nous contribuons ainsi à la réduction des émissions produites par nos projets, dans la mesure du possible, sans compromettre l’impact sur le développement ou l’accessibilité pour les utilisateurs. Les données montrent également l’importance de réduire les émissions associées à la production d’électricité d’un pays, car cette réduction profite ensuite à toutes les propriétés et entreprises qui utilisent cette électricité, dont les émissions sont elles aussi réduites.

Les données sont-elles une fin en soi ?

Si l’on parle des émissions de carbone et de l’intensité de ces émissions dans un portefeuille ou un projet d’infrastructure donné, alors oui, ces données relatives aux émissions sont un indicateur clé qui nous permet de savoir si nos efforts représentent un usage efficace des quotas d’émissions disponibles pour les pays d’Afrique. Grâce aux données, nous évaluons l’ampleur de la réduction des émissions de nos projets, compte tenu des objectifs fixés lors de la COP26 par les gouvernements des nations africaines dans lesquelles nous opérons. La manière dont nous recueillons les données, c’est-à-dire par le biais de nos rapports HSE, nous permet d’impliquer nos partenaires et nos sociétés de projets dans l’identification de domaines où il serait possible de réduire davantage les émissions.

Les données sur les émissions suffisent-elles ?

Non, la collecte de données relatives aux émissions n’est qu’une partie de notre travail de surveillance et compréhension de l’impact environnemental à grande échelle de nos projets. Ci-dessous, j’aborde brièvement nos processus clés.

Lorsqu’une opportunité est identifiée par nos équipes de développement commercial ou d’investissement, elle est examinée sous l’angle du climat : nous n’investissons que dans des projets énergétiques à faibles émissions et dans des technologies susceptibles de favoriser l’adaptation au climat. Nous investissons dans des technologies révolutionnaires de mobilité électrique et d’irrigation à l’énergie solaire qui remplacent ou permettent d’éviter l’utilisation de combustibles fossiles.

Quand nous décidons d’investir, notre équipe chargée de l’impact sur le développement durable examine les options susceptibles de renforcer le plus efficacement l’impact sur le développement et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, la conception de notre projet Golomoti Solar au Malawi a été élaborée autour de trois baobabs centenaires du site afin de les préserver. Notre projet Liberia Inland Storage Facility a mis à profit le financement de PIDG TA pour étudier la viabilité de toitures solaires et les installer pour alimenter le site en électricité. Il s’agissait d’une première pour des installations de stockage dans la région.

Nous collaborons également avec des partenaires pour développer des programmes robustes de gouvernance environnementale et sociale qui répondent aux besoins des communautés. Par exemple, le projet Salima Solar fait appel à une ONG spécialisée pour mettre en place un programme de formation en agriculture de conservation qui sera proposé aux personnes impactées par le projet et aux membres des communautés environnantes. Grâce à cette formation, les populations locales auront les moyens de s’adapter aux défis posés par les changements climatiques et  pourront ainsi compter sur les rendements et revenus réguliers de leurs cultures malgré l’imprévisibilité des précipitations. Cette formation appuiera aussi la création de comités adéquatement gouvernés pour gérer efficacement les ressources locales pour l’avenir.

Que pouvons-nous faire de plus ?

Notre procédure formelle d’établissement de rapports n’en est qu’à ses débuts, mais nous discernons déjà des domaines de progression notable et ceux où existe un réel potentiel pour réduire davantage les émissions. Reprenons l’exemple précédent d’utiliser l’énergie solaire au lieu de l’électricité en réseau pour charger les véhicules électriques, en identifiant les projets à faibles émissions et fort impact sur le développement, nous pouvons reproduire ces solutions sur l’ensemble de notre portefeuille et celui de PIDG.

En outre, nous calculons les émissions générées par InfraCo Africa elle-même, et publions les résultats dans nos rapports. Nous intégrons dans ce calcul la consommation électrique de nos bureaux, la consommation en diesel de nos groupes électrogènes de secours et les émissions de CO2e générées par les vols pris dans le cadre de nos activités ; nous nous basons ensuite sur ces données pour réduire le plus possible ces émissions. Réaliser nos activités dans le respect des restrictions imposées par la COVID a mis en lumière la facilité de remplacer les déplacements professionnels par des conférences en ligne. Les pays dans lesquels nous opérons devraient particulièrement souffrir des changements climatiques, nous commençons donc à nous pencher sur des projets conçus pour atténuer plus directement les risques du dérèglement climatique, comme la construction de défenses contre les inondations.

Recueillir les données avec rigueur et produire des rapports transparents de nos résultats sont évidemment des activités essentielles pour comprendre notre impact et en assumer la responsabilité. Elles sont aussi indispensables dans la lutte contre l’« écoblanchiment » et nous donnent les moyens d’exploiter les informations obtenues pour faire progresser le développement, en limitant l’augmentation des émissions. Enfin, cela nous permet de montrer un exemple positif à nos collègues de l’industrie, dans ce contexte de défi collectif de lutte contre le changement climatique.

[i]Des directives détaillées sont présentées dans le guide Global GHG Accounting and Reporting Standard for the Financial Industry (Global GHG Standard) publié par le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) – https://ghgprotocol.org/global-ghg-accounting-and-reporting-standard-financial-industry

[ii] https://www.gov.uk/government/publications/greenhouse-gas-reporting-conversion-factors-2021

[iii] https://carbonaccountingfinancials.com/files/downloads/PCAF-Global-GHG-Standard.pdf

[iv] https://www.statista.com/statistics/1287508/africa-share-in-global-co2-emissions/#:~:text=Africa%20accounted%20for%203.8%20percent,share%20among%20all%20world’s%20regions.

Tim Jackson

Tim est ingénieur agrée et membre honoraire de l’Institution « Mechanical Engineers ». Il a à son actif trente ans d’expérience dans le développement de centrales électriques thermiques, de cogénération et d’énergie renouvelables ; avec un focus sur l’énergie géothermique durant les 12 dernières années. Tim supervise actuellement le développement des projets énergétiques les plus vastes et complexes du portefeuille d’InfraCo Africa, notamment celui de Corbetti Geothermal en Éthiopie.

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