En coulisse : Assurer la sécurité des travailleurs, un défi mondial

29th Apr 2024 | Leave a comment | By Jacob Kazungu

L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que près de trois millions de personnes meurent chaque année  suite d’un accident ou d’une maladie liés au travail et que 395 millions de travailleurs sont victimes d’un accident de travail non mortel.[i] La perte de la principale source de revenus familiale peut avoir un impact considérable sur la famille et les personnes à charge, que ce soit à court terme pour la durée de la convalescence, ou à plus long terme en cas d’invalidité permanente ou de décès.

Dans les régions où PIDG exerce ses activités, soit en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, les statistiques sur les accidents du travail font partie des pires au monde[ii].

En plus d’être une situation tragique pour les victimes, ces incidents dévastateurs affectent la société et l’économie au sens large, et risquent de compromettre les progrès accomplis vers la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations unies.

Des systèmes robustes de gestion de la santé, de la sécurité, de l’environnement et du social (HSE) sont au cœur du travail de PIDG et de ses sociétés. Chez InfraCo Africa, nous disposons d’une équipe dédiée à l’impact mondial dont la principale mission est d’assurer la sécurité des personnes impliquées dans nos projets. Nous sommes déterminés à ce que tous nos collaborateurs rentrent toujours chez eux en toute sécurité, en accord avec le slogan « Votre sécurité – Notre priorité ».

Étude de cas : East Africa Marine Transport

Pour illustrer notre approche plus générale, je vais prendre pour exemple un projet qui a occupé une grande partie de ma vie professionnelle depuis que j’ai rejoint InfraCo Africa et l’équipe d’impact de PIDG. Le projet East Africa Marine Transport commencera bientôt ses activités commerciales en tant que premier transbordeur roulier assurant un service régulier sur le lac Victoria. Le projet EAMT ouvrira de nouvelles routes commerciales essentielles entre l’Ouganda et la Tanzanie, et a le potentiel d’étendre ses services jusqu’au Kenya. En réduisant le temps de trajet et le nombre de camions sur le réseau routier, ces nouvelles routes maritimes contribueront à diminuer le volume d’émissions dues aux transports.

Sur le papier, EAMT est probablement le plus risqué des projets en cours d’InfraCo Africa, la construction du navire de 1 000 tonnes et 96 mètres de long a soulevé des défis de taille en matière de HSE, et a nécessité la mise en œuvre de 11 des 12 Life-saving Rules de PIDG. A ce jour,  le projet a un bilan exemplaire en matière de HSE, j’aimerais donc  partager avec vous la manière dont nous y sommes arrivés et comment nous allons procéder pour maintenir ce résultat une fois le navire entré en service.

 

La construction d’un navire de cette échelle constitue une toute nouvelle industrie en Ouganda. S’appuyant sur sa propre expérience ainsi que sur l’expertise des parties prenantes d’EAMT, à savoir PIDG, InfraCo Africa, OSK Design et Grindrod, l’entrepreneur EPC SECO Marine (U) Ltd (une société d’Alpha Group) a réalisé un vaste travail de renforcement des capacités afin de former le personnel local par le biais d’un programme de mentorat et de formation axé sur les pratiques de travail sécuritaires. La société a également veillé à ce que les entrepreneurs spécialisés chargés de tâches telles que le sablage adhèrent au Système de gestion environnementale et sociale (SGES). Celui-ci avait été mis à jour au début du projet afin de satisfaire les exigences de PIDG et rassurer les investisseurs que les procédures appropriées en matière de gouvernance étaient en place pour gérer les risques liés au projet.

Quels étaient ces risques ?

Comme vous pouvez l’imaginer, construire un énorme navire dans un chantier maritime bâti à cet effet sur les rives du lac Victoria a nécessité de faire appel à de nombreux entrepreneurs et individus. Au plus fort des travaux, le projet avait créé 140 emplois dans la construction.

Bien que loin d’être complets, voici les principaux risques et mesures d’atténuation que nous avions identifiés :

Quel rôle l’équipe d’impact de PIDG a-t-elle joué ?

La sécurité des chantiers repose sur la formation et sur le développement d’une culture de sécurité robuste. Dès le début, EAMT a appliqué les Lifesaving Rules de PIDG, qui ont ensuite été intégrées aux procédures HSE de l’entrepreneur. Nous avons également proposé une formation pour aider l’entrepreneur à mettre en œuvre les règles. Celles-ci ont été renforcées par des réunions de sécurité quotidiennes, afin que les travailleurs soient pleinement conscients des risques spécifiques liés à leurs tâches et sachent qu’ils peuvent interrompre le travail en cas de doute sur la sécurité des opérations.

Tout au long de la phase de construction, les membres de l’équipe Impact de PIDG se sont rendus au chantier naval d’Entebbe, en Ouganda, afin d’aider le constructeur à mettre en œuvre le système de gestion HSE convenu. L’équipe de la région Afrique de l’Est a fait appel à l’expertise en HSE de leurs collègues de Londres, Casablanca et Singapour, qui l’ont conseillée pendant la construction et la mise à l’eau du navire.

Notre rôle a également été de renforcer les capacités en matière de HSE. La directrice HSE de SECO a participé à une plateforme de partage des connaissances organisée à Nairobi par une institution de PIDG. Cela lui a permis de bénéficier de l’expérience d’autres personnes impliquées dans des entreprises et des projets du portefeuille de PIDG, de recevoir le soutien de pairs et de mettre à jour ses compétences en HSE.

Dans un esprit de collaboration, l’équipe Impact de PIDG a organisé des visites de site durant lesquelles les responsables du chantier et le constructeur ont inspecté les lieux pour repérer les dangers et identifier les mesures correctives et préventives. L’équipe du projet a également tenu des réunions régulières avec l’entrepreneur. En inscrivant les questions relatives à la santé, la sécurité et l’environnement à l’ordre du jour de chacune de ces réunions, l’équipe a renforcé la position de PIDG quant à la valeur des normes HSE dans ses investissements.

 

Enfin, nous avons effectué des visites visant à évaluer la qualité générale de la gouvernance HSE au sein du système SGES du constructeur. Ces rapports ont grandement contribué à identifier les bonnes pratiques et les possibilités d’améliorations. Pendant les dix jours avant la mise à l’eau, je suis resté avec les équipes pour préparer le lancement et assurer la sécurité et la réussite de l’évènement.

Changement climatique et HSE

Cette année, l’OIT met en avant les effets du changement climatique sur la santé et la sécurité au travail. Il s’agit d’un sujet de plus en plus brûlant pour les professionnels HSE à travers le monde, alors que nous œuvrons à protéger les travailleurs qui sont confrontés à des températures toujours plus élevées et des évènements climatiques tels que les inondations, les tempêtes et les feux de forêt.

Chez PIDG, tous nos projets sont alignés sur les Accords de Paris. Pour poursuivre la lutte contre le changement climatique, nous procédons à un examen approfondi des projets afin d’identifier les risques climatiques pour les personnes et nos infrastructures. Nos projets doivent présenter un Plan d’intervention d’urgence qui couvre les risques liés au climat. La mise en œuvre de procédures de contrôle qui enregistrent spécifiquement les dangers liés au climat nous permet également de sensibiliser les acteurs dans l’ensemble du portefeuille  PIDG sur ces risques émergents.

Ces préoccupations sont bien réelles. En Afrique de l’Est, nous subissons les effets du phénomène El Niño et les précipitations inhabituelles en Ouganda impactent les délais de construction d’EAMT. En 2023, la montée des niveaux d’eau a perturbé les opérations de nos autres sociétés de transport maritime sur le lac Victoria, Kalangala Infrastructure Services (KIS) et Waterbus. En raison de la hausse du niveau d’eau du lac, les points de débarquement de ces deux sociétés ont été submergées, constituant un danger non seulement pour le bon fonctionnement du service, mais aussi pour la sécurité des passagers et de l’équipage. Pour y remédier, Waterbus a choisi d’amarrer ses navires à d’autres endroits, et KIS a modifié la position d’accostage de ses traversiers afin d’assurer la continuité de ses services.

 

Sur le chantier d’EAMT, nous avons fait en sorte de prévenir tout risque de glissade, chute et submersion pendant les périodes de pluie. Dans certains cas, les travaux ont été complètement interrompus. Ces évènements climatiques extrêmes, provoqués par le changement climatique, nous obligent également à mettre en place des systèmes pour protéger nos travailleurs contre le stress et l’épuisement dus à la chaleur, ainsi que contre l’exposition prolongée aux rayons UV.

En faisons-nous assez pour assurer la sécurité des personnes ?

En matière de HSE, la clé est d’être tout le temps sur ses gardes. Bien que les incidents HSE liés à la sécurité diminuent, comme ceux liés à la sécurité électrique, par exemple, nous ne devons pas relâcher notre vigilance. PIDG exerce ses activités dans des marchés difficiles, où les cadres juridiques et les connaissances en matière de sécurité sont rudimentaires. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, ces régions présentent des risques émergents liés au changement climatique, dont nous devons surveiller l’évolution afin d’en atténuer l’impact.

Chez EAMT, nous avons procédé à une évaluation des risques climatiques et sommes conscients des risques potentiels pour le projet. Dans notre process de gestion de risque, , nous exigeons que le projet inclue les différentes considérations dans son plan d’intervention d’urgence, afin que les équipes connaissent les procédures à suivre si, par exemple, le niveau des eaux venait à monter. En ce qui concerne les températures élevées, le M.V. Mpungu a été conçu de façon à offrir à l’équipage et aux passagers des cabines et des zones ombragées qui les protégeront des fortes températures extérieures et des intempéries durant les traversées. Nous sommes également conscients du risque de stress thermique et nous veillons à ce que le constructeur soit sensible au bien-être des travailleurs. Pour ce faire, nous contrôlons les heures de travail et la fourniture de dispositifs de ventilation mécaniques dotés de ventilateurs et de conduits d’arrivée d’air, notamment des ventilateurs de fenêtre qui permettent d’aérer les zones de travail en intérieur.

Que pouvons-nous faire de plus ?

Le calendrier de la Stratégie globale en matière de sécurité et de santé au travail (2024-2030) coïncide avec les actions prévues pour la réalisation de l’Objectif de développement durable 8 des Nations unies, « Travail décent et croissance économique pour tous ». À mon avis, cela n’est pas une coïncidence, il serait impossible d’atteindre cet objectif, et bien d’autres, si la question de santé et sécurité au travail n’est pas abordée.

Alors que de plus en plus de projets du portefeuille entrent dans leur phase de construction et de mise en exploitation, il est essentiel que l’équipe Impact de PIDG travaille de manière cohérente sur l’ensemble du groupe. Cela nous permettra de tirer parti des expériences et des leçons retenues dans de multiples secteurs, zones géographiques et spécialités, comme nous l’avions fait pour l’EAMT, avec des avantages tangibles pour la sécurité de nos projets. L’équipe Impact comprend également des collègues chargés de l’impact sur le développement durable, les deux disciplines étant interconnectées, nos projets n’auraient aucun effet sur le développement si les personnes n’étaient pas en sécurité ou si les droits des travailleurs étaient bafoués.

Sur le projet EAMT, nous ne laissons aucune place à la complaisance.

Les aspects de sécurité du navire étaient examinés tout au long de la phase de conception et de construction, et le navire a fait l’objet d’une classification par une entité de certification internationale Bureau Veritas. Les opérations commerciales devraient démarrer plus tard cette année, dans le respect des principales normes internationales en matière de sécurité maritime, de la convention MARPOL pour la prévention de la pollution marine par les navires, et conformément aux normes de l’Organisation maritime internationale (OMI) relatives à la convention SOLAS (« Safety of Life at Sea » ou sauvegarde de la vie en mer). Afin de maintenir son excellent bilan en matière de sécurité, le M.V. Mpungu sera géré par Grindrod, un exploitant de navires expérimenté, et mettra en place un système de gestion du navire basé sur le Code international de gestion de sécurité (code ISM). Ce système sera également alimenté par des données provenant du système SGES, en accord avec les exigences de PIDG. Avec le soutien d’EAMT et de ses parties prenantes, l’équipage a été formé et encadré par des exploitants de navires expérimentés d’Afrique orientale, un personnel qualifié étant essentiel pour exploiter le navire en toute sécurité.

 

Grâce à nos initiatives, l’équipe Impact de PIDG a contribué à sensibiliser l’ensemble du secteur ougandais de la construction navale sur les questions de sécurité. SECO a établi une norme en matière de gestion de sécurité que d’autres installations de construction navale peuvent répliquer, en Ouganda et dans la région tout entière.

Je voudrais conclure cet article en vous laissant avec l’idée que grâce à nos efforts collectifs, les 140 personnes ayant participé au chantier d’EAMT, ainsi que les nombreux entrepreneurs mobilisés par le constructeur, quitteront ce projet armés d’une meilleure compréhension des questions de santé et sécurité au travail. Plus important encore, ces personnes ont adopté une culture de la sécurité, et développé la confiance nécessaire pour exprimer, le cas échéant, leurs préoccupations en matière de sécurité. Ce sont cette prise de conscience et cette habilité à signaler les problèmes qui, au final, sauveront des vies.

Vous trouverez de plus amples informations et des documents à télécharger sur notre travail pour assurer la sécurité de notre personnel en cliquant sur ce lien. Si vous avez des doutes concernant la santé et la sécurité sur l’un de nos projets, vous trouverez des détails pour les signaler sur notre page « Signaler un problème » ici.

[i] Santé et sécurité au travail : Près de 3 millions de personnes meurent d’accidents et de maladies liés au travail (ilo.org)

[ii]OIT, « ILO Global Estimates of Occupational Accidents and Work-related Illnesses » [d’après le rapport de Jukka Takala, Päivi Hämäläinen, Riitta Sauni, Clas-Håkan Nygård, Diana Gagliardi, Subas Neupane, « Global, Regional and Country level Estimates of the Work-related Burden of Diseases and Accidents in 2019 », à paraître dans le Scandinavian Journal of Work, Environment & Health]. (Consulté via le document « A call for safer and healthier working environments » wcms_903140.pdf (ilo.org))

Jacob Kazungu

Jacob est conseiller HSE chez InfraCo Africa. En tant que spécialiste HSE, il a travaillé dans les secteurs du conseil environnemental, de la construction, du transport et de la logistique. Titulaire d’une licence en sciences et de deux diplômes internationaux NEBOSH en gestion de l’environnement et en santé et sécurité au travail, il a acquis plus de 8 ans d’expérience dans le domaine de la santé, de la sécurité, de l’environnement et de la gestion sociale.  Il a notamment participé à la construction de grands projets d’infrastructure tels que des routes et des barrages, et a fourni une assistance HSE à des entreprises du secteur des énergies renouvelables.

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