La tendance : l’électricité hors réseau à grande ampleur

18th Jun 2021 | Leave a comment | By Alix Graham

Depuis un peu moins de quatre ans, je suis directrice du développement chez InfraCo Africa, un métier dont j’apprécie la variété. Dans le cadre du développement d’entreprise, il est possible d’étudier les technologies nouvelles et émergentes dans divers secteurs et zones géographiques. L’énergie est une passion et à toujours étéau cœur de mes choix professionnels. Ce secteur nous donne la possibilité de voir grand ; en remettant en question les approches traditionnelles, nous créons des solutions innovantes et attirons le financement et l’expertise du secteur privé pour faire progresser les choses.

Je suis spécialiste en énergie hors réseau, un domaine pour lequel InfraCo Africa et le PIDG dans son ensemble affichent un intérêt croissant. Les installations hors réseau sont essentielles pour atteindre rapidement les zones rurales les plus isolées et remplacer les combustibles fossiles et autres générateurs d’électricité polluants.  En 2015, InfraCo Africa était à l’avant-garde de l’énergie hors réseau, avec la mise en service d’une centrale solaire thermique de 1,6 MW sur l’île de Bugala, en Ouganda, construite dans le cadre du projet multisectoriel Kalangala Infrastructure Services. Depuis lors, InfraCo Africa soutient des entreprises de production d’énergie solaire en conteneur en Tanzanie et en Zambie. Nous sommes actuellement en train de déployer l’ambitieux projet Sierra Leone Mini-grid, initié avec mon équipe de développement. Il deviendra la deuxièmeplus grande centrale de Sierra Leone.

À quels problèmes sommes-nous confrontés ?

Je vis à Nairobi, une métropole en plein essor si bien éclairée qu’elle est visible du ciel.  Cette abondance d’électricité, facteur clé du développement économique, se tarit cependant dès que sont franchies les limites de la ville.  Au Kenya, comme dans de nombreux pays africains, l’accès à l’électricité est loin d’être universel. De nombreux ménages et entreprises des régions rurales sont particulièrement touchés par ce problème et dépendent encore du bois, des lampes à kérosène et de générateurs coûteux pour s’éclairer et cuisiner. 

Dans le secteur de l’électricité hors réseau, les mini-réseaux jouent un rôle essentiel pour réaliser les ambitions de l’ODD7 d’accès à une énergie propre à un coût abordable d’ici 2030. En vue d’y parvenir, un changement radical est nécessaire pour atteindre le niveau d’investissement requis.

Dans un rapport récent, la Banque mondiale a estimé que 490 millions de personnes seraient mieux desservies, à moindre coût, par le déploiement de 210 000 mini-réseaux moyennant un investissement de 220 milliards de dollars US.[i]  En 2020, les investissements d’InfraCo Africa et de PowerGen Renewable Energy se sont élevés à environ 10 millions de dollars afin de fournir une électricité propre générée par 40 nouveaux mini-réseaux. Cet investissement, l’un des plus importants réalisés à ce jour dans le secteur des mini-réseaux en Afrique subsaharienne, illustre l’ampleur de la tâche qui nous incombe. Pour se débloquer et prendre de l’ampleur, le secteur va devoir surmonter un certain nombre de défis, compte tenu de la nécessité de maintenir des coûts raisonnables pour le consommateur final et de garantir des rendements solides pour les investisseurs privés.

Si nous parvenons à relever ces défis et à réduire les risques des investisseurs, les aides financières seront plus accessibles et, petit à petit, le coût du capital devrait diminuer. La baisse des coûts des équipements solaires et des accumulateurs associés aux économies d’échelle dont bénéficient les projets de grande envergure pourrait permettre le déploiement de mini-réseaux à moindre coût pour le consommateur final.

Atteindre cet objectif ne pourra se faire qu’avec le soutien du gouvernement. Les développeurs de mini-réseaux doivent pouvoir s’appuyer sur des politiques et des réglementations claires soutenant des tarifs qui reflètent les coûts. Ils doivent obtenir les plans d’électrification qui définissent les lieux et le moment où les travaux d’expansion du réseau national auront lieu. Sans ces informations, il sera difficile d’élaborer un plan d’affaires et encore plus difficile d’attirer les investissements nécessaires.

À court et moyen terme, mettre en place des programmes de subvention efficaces est indispensable.  Quelques prometteuses avancées ont été réalisées, mais les programmes sont souvent trop complexes, coûteux et leur administration peut être chronophage.  Les modèles de financement basé sur les résultats sont actuellement florissant, et la création et le déploiement du projet Universal Energy Facility m’enthousiasme.

Raccorder les consommateurs au réseau n’est toutefois pas un gage de développement économique à long terme. Il est essentiel que les fournisseurs d’énergie collaborent étroitement avec les utilisateurs des mini-réseaux pour tirer tous les avantages d’une énergie propre et d’une croissance économique durable. La pandémie de COVID-19 entraînera sans aucun doute une prise de conscience à l’égard des énergies renouvelables dans le secteur de la santé. Aussi, d’intéressantes opportunités logistiques émergent à mesure que nous trouvons des solutions pour acheminer les vaccins à bon port. Il pourrait s’agir d’entrepôts frigorifiques, de systèmes d’alimentation modulaires à proximité de postes de santé reculés ou encore de chaînes d’approvisionnement frigorifiques.  Pourtant, pour stimuler une croissance économique plus large, il nous faut promouvoir un usage productif de l’énergie, par exemple l’accès à des appareils électriques abordables, à des systèmes de pompage et de purification de l’eau ou à des technologies d’irrigation alimentées par l’énergie solaire.

Enfin, les recettes étant en monnaie locale, il est important de proposer des solutions d’emprunt à long terme en devise locale afin d’atténuer le risque de change. GuarantCo, une société sœur du PIDG, a pour mandat de mobiliser des financements à long terme et en devise locale. Ensemble, en tirant parti de l’influence du PIDG, nous espérons dynamiser le secteur et attirer davantage de capitaux privés.

En dépit de ces défis concrets, ces dernières années ont vu se redéfinir les priorités et surgir un intérêt grandissant dans les mini-réseaux.

Les mini-réseaux dans les zones rurales sont aujourd’hui considérés comme une solution tangible pour la fourniture généralisée d’électricité. En effet, nous voyons de plus en plus de mini-réseaux intégrés aux plans d’électrification nationaux, aux côtés d’autres technologies hors réseau, de projets énergétiques à grande échelle plus traditionnels et d’initiatives de densification du réseau.

La coordination des acteurs du secteur s’améliore, créant des entités telles que le Mini-Grid Partnership, le Mini-Grid Funders Group et l’Africa Mini-Grid Developers Association (AMDA) ou, plus récemment, la fondation de l’ARE (Alliance for Rural Electrification), un groupe de travail sur les questions financières. Nous sommes également extrêmement reconnaissants à CrossBoundary Energy Access, qui prévoit de mettre ses ressources d’apprentissage en libre accès.

Une ardeur ravivée se manifeste également du côté des promoteurs. Aujourd’hui, les projets couvrent plus de 10 000 raccordements, pour à peine 1 000 ou 2 000 il y a 10 ans.  Cela reflète en grande partie l’amélioration des politiques et cadres réglementaires et de l’accès aux solutions de financement. À l’époque, les promoteurs concentraient leurs activités sur un seul pays. À présent, les plus expérimentés d’entre eux cherchent à internationaliser leur portefeuille.  Cette ambition leur permet d’attirer des investissements plus importants, de minimiser les frictions et les coûts liés à la mobilisation de fonds pays par pays et de se concentrer pleinement sur la construction de mini-réseaux. À cette échelle et avec l’adoption d’une approche par portefeuille, il devient possible de gérer les risques à travers une variété de pays et d’obtenir des outils d’atténuation des risques désormais plus abordables.

L’industrie traverse une période formidable : il est passionnant de collaborer avec nos partenaires et nos promoteurs pour sortir le secteur de la crise sanitaire et réorienter nos objectifs vers la durabilité et la protection de l’environnement. L’engagement croissant des gouvernements et donateurs, ainsi que l’émergence de solutions de financement basé sur les résultats pour les promoteurs laissent entrevoir un avenir prospère pour le secteur africain des mini-réseaux.


[i] Rapport technique : Des mini-réseaux pour un demi-milliard de personnes : Perspectives du marché et guide pour les décideurs, ESMAP 2019 : https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/31926

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Projets liés