Market insights : La mobilité électrique conduit les villes d’Afrique vers un avenir plus propre

9th Sep 2021 | Leave a comment | By Julián Bermejo

Je réside à Nairobi depuis 2015, avant la pandémie, je traversais tous les jours la ville pour me rendre au travail, m’adaptant aux embarras de la circulation et à l’étouffante pollution, qui serait d’après certaines études trente fois plus nocive que celle de Londres[i]. En effet, au Kenya la pollution aux particules fines a été liée à 5490 décès prématurés  en 2019[ii], intervenir semble donc urgent.

Nairobi n’est Malheureusement pas un cas isolé, de nombreuses villes africaines vivent au quotidien la congestion du trafic et la pollution de l’air due à la croissance démographique, l’amélioration du PIB et  la difficulté inhérente de planifier et financer la gestion du trafic à long terme ou des solutions de transport public non motorisées. D’après certaines estimations, ces villes devraient héberger 950 millions de personnes supplémentaires d’ici 2050[iii]. Les urbanistes et investisseurs sont donc aux prises d’un incroyable défi exigeant de soutenir la croissance économique et la mobilité urbaine en réduisant les émissions nocives et en améliorant la qualité de l’air local.

Les véhicules électriques (VE) sont une solution envisageable, à l’occasion de la journée des VE, j’aimerais explorer le travail d’InfraCo Africa dans ce secteur et évoquer la signification potentielle de la mobilité électrique pour le système des transports au sens large en Afrique.

Pourquoi adopter les véhicules électriques ?

J’ai dirigé nos investissements dans NopeaRide, le premier service de taxi électrique à la demande en Afrique. Avec notre appui, la société augmentera sa flotte de 30 à 100 véhicules, et déploiera une nouvelle infrastructure de recharge à travers Nairobi. Valoriser plus largement la mobilité électrique aux yeux des clients et investisseurs permettra à NopeaRide d’attirer d’autres financements et de poursuivre sa croissance.

C’est bénéfique pour la planète…

Comparés aux véhicules essence ou  diesel, les VE réduisent drastiquement les émissions directes de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques  à l’origine du changement climatique. C’est d’autant plus vrai si on les compare aux véhicules de seconde main importés que conduisent de nombreux chauffeurs de taxi kenyans, dont les émissions, la consommation du carburant et la sécurité technique ne sont que très peu contrôlées.

…et bon pour ses habitants.

Grâce à la localisation stratégique de l’infrastructure de recharge de NopeaRide, les chauffeurs peuvent recharger leur batterie près des destinations les plus demandées, par exemple dans les parkings des centres commerciaux, ce qui réduit les coûts de recharge et le temps qui y est consacré. Les coûts de fonctionnement et d’entretien des véhicules électriques sont également moindres que ceux des véhicules avec moteur à combustion. Les chauffeurs de taxi électrique gagnent donc 30 à 50 % d’argent en plus, une différence significative pour eux et leur famille.

Quels sont les défis à relever ?

Malgré les avantages clairs d’une telle solution, adopter la mobilité électrique s’accompagne de nombreux défis. Le principal obstacle est le coût initial de l’investissement : les véhicules électriques sont notablement plus chers à l’achat que leur cousin à combustion. À noter toutefois que les frais de fonctionnement et d’entretien moindre des véhicules électriques contrebalancent dans une certaine mesure leur coût d’achat élevé.

Cet équilibre pourrait néanmoins rapidement évoluer.

Comme nous l’avons vu dans l’industrie solaire, le prix des batteries de véhicules électriques connaît une baisse continue grâce aux améliorations technologiques et à la création d’usines dédiées à leur production. Les chercheurs prédisent que d’ici 2023, le coût des véhicules électriques à batterie lithium-ion avec une autonomie de 550 km pourrait être similaire à celui des véhicules à combustion comparables. S’il est difficile de prédire le futur avec exactitude, on s’accorde à dire que le coût des VE devient de plus en plus compétitif et que la parité des coûts devrait être une réalité d’ici cinq ou six ans, en particulier compte tenu du coût total de l’acquisition[iv]

La législation a un rôle à jouer. Le gouvernement du Kenya explore différentes solutions pour stimuler l’industrie automobile nationale qui peuvent inclure des restrictions d’importation de véhicules à combustion de seconde main. De telles modifications de la législation pourraient rendre le prix des VE importés plus compétitif.

NopeaRide espère également qu’offrir aux chauffeurs la possibilité de louer leur propre véhicule électrique avec une option d’achat leur permettra de l’acquérir au fil du temps, grâce aux revenus améliorés qu’ils auraient générés.

Qu’en est-il du chargement ?

Les véhicules électriques souffrent depuis toujours d’une mauvaise image auprès du grand public. Certains chauffeurs s’inquiètent de la durée nécessaire au chargement du véhicule et de son autonomie avec une charge. Les véhicules électriques sont également perçus comme uniquement adaptés aux environnements urbains où la vitesse de circulation est limitée, ils sont considérés comme inadaptés aux conditions routières parfois difficiles des zones rurales africaines. Ces questions d’utilisation pratique et de sensibilisation des consommateurs doivent être résolues si nous souhaitons développer la mobilité électrique sur le continent.

En Afrique subsaharienne, la disponibilité des infrastructures publiques de recharge pour VE à deux et à quatre roues est insuffisante, surtout en zone urbaine où nous prévoyons une concentration plus élevée d’utilisateurs et une plus forte demande des transports publics à faible émission de carbone. C’est pour ces aspects que nous devons voir un soutien grandissant du gouvernement, des institutions financières de développement et des investisseurs privés. Ce soutien contribuera, je le crois, à combler le déficit infrastructurel à court et à moyen terme, tandis que l’industrie se développe et mûrit, en particulier sur les marchés africains émergents.

D’un point de vue climatique, il faut avant tout considérer la manière dont sera alimentée une telle infrastructure de recharge. La majorité de l’énergie du Kenya provient de ressources renouvelables[v]. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas ailleurs,  si les stations de recharge sont raccordées à des réseaux nationaux dépendant de l’énergie fossile, la demande croissante liée aux véhicules électriques transférera simplement l’origine des émissions. EkoRent Nopea , le pionnier des hubs de recharges à Nairobi, met en œuvre des technologies qui permettent aux voitures elles-mêmes de stocker de l’énergie, agissant alors comme des batteries mobiles capables de réinjecter cette énergie propre dans le réseau ou vers d’autres centres de consommation tels que les habitations.

Et les batteries ?

Il existe actuellement quatre principaux types de batteries utilisées dans les VE et les VEHR (VE hybrides rechargeables). L’augmentation de l’utilisation des véhicules électriques ira de pair avec une demande accrue pour les matières premières entrant dans la composition de ces batteries : le cobalt, le lithium, le nickel et le graphite. La production et la mise au rebut des batteries de véhicules électriques sont d’autres questions épineuses.

À l’heure actuelle, nous n’avons pas réponse à tout. Toutefois, les innovations sont nombreuses, de même que les recherches et le développement visant à améliorer la technologie des batteries et à concevoir des solutions durables. Ces recherches étudient par exemple des applications de seconde vie pour les batteries et l’utilisation d’énergie hors réseau pour leur chargement.

Quelle direction emprunter ?

Durant la pandémie, Nairobi a connu une réduction temporaire de sa pollution atmosphérique. Pour la première fois depuis de nombreuses années, j’ai même pu entrevoir le mont Kenya et le Kilimandjaro depuis la ville.

Toutefois, en l’absence de données fiables sur la qualité de l’air, nous ne pouvons pas espérer conserver ces progrès parallèlement à une reprise des activités dans la capitale. Avec des données de qualité, nous pouvons mettre en place des outils de réglementation et planification, surveiller leur impact, apprendre, améliorer et réduire progressivement les émissions et la pollution atmosphérique :  l’utilisation des objectifs d’efficacité énergétique et des normes de qualité de l’air afin de changer les comportements et stimuler de nouvelles activités économiques.

Grâce à des investissements ciblés, une planification urbaine adaptée et des innovations technologiques, je suis convaincu que le secteur de la mobilité électrique dispose d’un grand potentiel de développement en Afrique : celui d’offrir au continent des taxis, bus, voitures privées et motos plus propres. Investir dans des systèmes intégrés de transport public à faible émission de carbone, ainsi que dans des aménagements urbains sécurisés pour cyclistes et piétons sera également la clé qui motivera plus de personnes à se détacher des voitures particulières. Ce changement doit arriver bientôt si nous souhaitons atteindre l’ODD 11 pour des villes et des communautés durables en protégeant la vie et les moyens d’existence des zones urbaines africaines, toujours plus polluées.

[i] https://www.theguardian.com/cities/2016/jul/10/no-escape-nairobi-air-pollution-sparks-africa-health-warning

[ii] https://www.stateofglobalair.org/data/#/health/plot

[iii] OCDE/SCAO (2020), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020 : Africapolis, une nouvelle géographie urbaine , Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Les Éditions de l’OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/481c7f49-fr.

[v] https://data.worldbank.org/indicator/EG.ELC.RNEW.ZS?locations=KE

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