La COP26, traduire les paroles en actions tangibles et finançables

16th Nov 2021 | Leave a comment | By Gilles Vaes

En revenant sur mon expérience au sommet de la COP26 à Glasgow, je suis parfaitement conscient que nous ne disposons que de cette dernière décennie pour considérablement réduire nos émissions, changer de voie avant de causer des dommages irréversibles à notre planète. Réaliser la transition mondiale vers le « net-zéro » d’ici 2050 nécessitera des efforts herculéens, mais je suis convaincu que rien n’est plus important pour notre génération et celles à venir.

Une grande part des débats ayant mené à la COP26  s’est centré sur la  justice climatique. Les pays d’Afrique subsaharienne dans lesquels nous opérons ne contribuent qu’à une minuscule partie des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). [i]Ils pourraient raisonnablement affirmer qu’atteindre le « net-zero » est un problème que doivent résoudre les économies industrialisées carbo-intensives. Toutefois, la population africaine continue de croître et McKinsey estime que la demande en électricité du continent devrait à elle seule quadrupler entre 2010 et 2040.[ii] Il apparaît donc clairement que nous ne réussirons que si chaque pays parvient à atteindre le net zéro.

Réformer les économies industrialisées n’a rien de simple, mais les nations industrialisées, si elles en ont la volonté, ont accès à des technologies propres et peuvent instaurer des mécanismes pour utiliser les marchés de capitaux privés afin de financer la transition. Les économies en développement n’ont pas de telles solutions.

L’Accord de Paris sur le changement climatique reconnaît explicitement la responsabilité des pays industrialisés à  soutenir les efforts des autres pays, afin d’atteindre une transition juste et équitable vers le net zéro. Cet accord reconnaît également que la transition doit se dérouler sans compromettre la capacité des pays en développement à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

Les pays industrialisés ont promis d’accorder 100 milliards de dollars par an à cette fin,[iii] mais transformer cette promesse en actions tangibles est le défi que nous devons relever aujourd’hui.

Les plans de relance mis en place par les gouvernements  en réponse à la pandémie de COVID-19 sont une opportunité sans précédent d’accélérer la transition fondamentale dans laquelle la finance privée a, elle aussi, un rôle vital à jouer. Mais pour provoquer de réels changements, ces fonds  doivent avoir une destination précise.

Quelle est la contribution d’InfraCo Africa ?

Dans le cadre du Private Infrastructure Development Group, InfraCo Africa bénéficie du soutien des citoyens du Royaume-Uni (par le FCDO), des Pays-Bas (par la DGIS) et de la Suisse (par le SECO). Nous avons été désignés afin d’utiliser ces fonds publics pour repousser les frontières du développement des infrastructures en Afrique subsaharienne et attirer des partenaires et des investisseurs du secteur privé pour augmenter notre impact. Notre mission ne concerne pas seulement les infrastructures de base telles  que l’énergie propre et l’eau potable, mais aussi de nouvelles technologies comme le stockage sur batterie, la mobilité électrique, l’irrigation alimentée par l’énergie solaire et la logistique à haut rendement énergétique. Ces projets permettront de limiter le réchauffement climatique en réduisant les émissions, mais aussi de soutenir les populations vulnérables tandis qu’elles s’adaptent et bâtissent des économies résilientes.

En travaillant avec des partenaires du secteur privé pour réduire les risques de nos projets, nous prouvons la viabilité de nouvelles technologies vertes, nous renforçons les ressources des parties prenantes locales et nous participons à l’élaboration de nouveaux cadres réglementaires. Nous prouvons la valeur des infrastructures de haute qualité respectueuses des bonnes pratiques de santé, de sécurité, environnementales et sociales, et qui observent la conformité et l’égalité des genres. Quand un projet de centrale solaire, d’installation énergétique hors réseau ou d’entreprise de véhicules électriques fonctionne à grande échelle, nous en sortons. Nous vendons nos parts au secteur privé et recyclons ces fonds. Tout bénéfice réalisé est réinvesti dans de nouveaux projets.

Cependant, nous sommes pleinement conscients qu’adopter une approche de financement par projet ne suffira pas pour vaincre le réchauffement climatique dans son ensemble  ni à répondre aux déficits[iv] d’infrastructures croissants en Afrique pour atteindre les ODD d’ici 2030.

Comment réunir plus de financements pour des infrastructures durables ?

Pour construire des infrastructures de haute qualité à l’échelle requise, il est nécessaire de libérer des sources de financement jusque-là inexploitées, notamment les fonds d’assurance et de pension nationaux, et d’attirer les investissements de partenaires enclins à profiter de l’extraordinaire potentiel de croissance de l’Afrique subsaharienne. Ces investisseurs recherchent de plus en plus des investissements qui atténuent les émissions de GES et qui  résisteront aux chocs climatiques à venir. Naturellement, ces investisseurs institutionnels souhaitent aussi un bon rapport risque-rendement.

Pour répondre à ce défi, InfraCo Africa a élargi ses capacités d’investissement. Nous soutenons depuis quelque temps InfraCredit Nigeria, un mécanisme de crédit dont le but est d’élever l’attractivité des projets d’infrastructure aux yeux des investisseurs institutionnels nationaux ; une entité similaire est en cours  de création au Kenya. Nous avons également aidé Acorn Holdings à démontrer la valeur des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sur les marchés des capitaux kenyans. En effet, les SCPI offrent un moyen fiscalement  avantageux pour  lever des capitaux, ce qui a permis à Acorn de grandir rapidement et proposer des logements pour étudiants qui respectent les normes de construction verte IFC-EDGE. Nous accompagnons également le développement d’Africa GreenCo, un courtier et fournisseur de services d’énergie renouvelable innovant qui a le potentiel de transformer le marché de l’énergie renouvelable de la Zambie.

Nous ne comptons pas nous arrêter là…

Nous travaillons avec Helios Investment Partners pour créer un fonds panafricain d’environ 300 millions de dollars US qui seront investis dans des infrastructures et entreprises inclusives qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique tout en progressant vers la réalisation des ODD. Le fonds cherche à répondre à la demande croissante des investisseurs nationaux et internationaux pour des opportunités d’investissement durable, avec l’élargissement de l’accès aux services d’infrastructures essentielles destinés aux populations africaines toujours plus exposées aux répercussions du changement climatique.  En proposant une voie de sortie pour certains de nos projets haute qualité et ceux d’autres promoteurs, le nouveau fonds permettra le recyclage plus rapide des financements de développement dans de nouveaux projets, accélérant l’accès aux infrastructures vitales sur le continent.

Comme pour n’importe quel investissement, les investisseurs doivent savoir que les fonds placés auront un impact rapide et mesurable et leur procurera un rendement. Notre historique de développement de projets de transports propres et d’énergie renouvelable en réseau et hors réseau sur les marchés frontière et émergents d’Afrique, signifie que les investisseurs peuvent être sûrs de l’attention accordée par le fonds au traitement des problématiques climatiques, sans écoblanchiment  Nous sommes fiers de continuer sur notre lancée, nous ne laisserons personne de côté.

Après la COP, vers où allons-nous ?

J’ai commencé cet article en évoquant la justice climatique. D’un point de vue tant moral que logique, les pays industrialisés doivent appuyer les efforts des pays en développement pour atteindre la neutralité carbone de manière juste et équitable. Le PIDG et ses propriétaires, à savoir les gouvernements de plusieurs de ces pays industrialisés, œuvrent ensemble pour remplir cet objectif. Notre mission est d’attirer les capitaux du secteur privé vers les pays, marchés et technologies jugés peut-être aujourd’hui comme présentant « un risque trop élevé ». Soutenus par des fonds publics, nous investissons pour développer la confiance des investisseurs pour que demain, ces pays, marchés et technologies ne soient plus associés à « un risque trop élevé ».

Tandis que les délégués à la COP26 quittent Glasgow, nous intensifions nos efforts sur le terrain pour créer des solutions d’infrastructures climato-résilientes et financièrement viables en veillant à ce que toute promesse financière puisse être exploitée rapidement afin de diminuer les émissions et d’atteindre des ODD de plus grande envergure.[v]

[i] https://data.worldbank.org/indicator/EN.ATM.CO2E.PC?end=2016&locations=ZG-US-8S-CN&start=1960

[ii] https://www.mckinsey.com/business-functions/operations/our-insights/solving-africas-infrastructure-paradox

[iii] https://unfccc.int/sites/default/files/resource/climate-finance-roadmap-to-us100-billion.pdf

[iv] https://www.mckinsey.com/business-functions/operations/our-insights/solving-africas-infrastructure-paradox#

[v] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

Gilles Vaes

Gilles a quitté son poste chez Engie pour rejoindre l’équipe d’InfraCo Africa. Au cours de sa carrière, il a accumulé 20 ans d’expérience dans le secteur privé, au sein de l’industrie manufacturière et de l’énergie. Son expertise s’étend de l’ingénierie au développement des activités et des projets, en passant par la stratégie, le développement d’entreprise et les investissements. Gilles est passionné par l’élaboration de modèles socio-économiques qui améliorent le niveau de vie sans compromettre la viabilité écologique.

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